LACUNES DANS L’HISTOIRE ?
Vous avez dit « liberté d’expression » ?
Retour sur l’histoire de l’Europe suite aux propos de J.D. Vance sur la liberté d’expression dans ses pays. L’Europe, qui, comme bien d’autres Pays, a connu des régimes où l’extrême-droite à vocation fasciste et totalitaire a déjà sévi. Retour sur les conséquences, dans le monde, de la limitation de la liberté d’expression propre à ces régimes totalitaires.

J’ignore tout des connaissances de J.D. Vance, le vice-président des États-Unis, relatives à l’histoire de son pays, en particulier celle de la liberté d’expression. Elles semblent, en tout cas, avoir de grosses lacunes, car, manifestement, il n’a jamais entendu parler de la chasse aux sorcières initiée par le sénateur Mac Carthy, cette période calamiteuse (années 50) de l’histoire de son pays lors de laquelle l’État poursuivait avec férocité tout ce qui, au prétexte de lutte contre le communisme honni, pouvait ressembler à la gauche. Liberté d’expression, avez-vous dit ? Demandez plutôt ce qu’ils en pensent, les centaines d’artistes de Hollywood, Charlie Chaplin en tête, blacklistés, expulsés, enfermés…
Quelques rappels historiques
Mais, à l’évidence, il ignore tout de l’histoire de l’Europe et, sans doute aussi, de celle du reste du monde. Vouloir faire grief à l’Europe de contenir l’extension des idées d’extrême-droite, voire fascistes, de remettre en cause le principe même du cordon sanitaire (en allemand, on a plutôt recours à la métaphore du pare-feu), c’est ignorer (sciemment ?) l’histoire des fascismes et de ses conséquences en Europe et dans le monde, jusqu’aux États-Unis eux-mêmes. Faut-il lui rappeler les effets effroyables du nazisme, la forme extrême et achevée du fascisme, sur le destin de l’Allemagne, de l’Europe et du monde ? Faut-il lui rappeler que d’autres pays aussi avancés que l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Hongrie, la Croatie, la Roumanie, la Grèce (et j’en oublie peut-être) aussi ont connu des régimes sans retour où toute liberté d’expression était abolie, tout comme la sécurité des personnes et des biens ? Que la France elle-même a quatre années durant vécu sous un régime d’oppression, d’arbitraire et de terreur, quand bien même imposé par l’occupation ennemie ? On ne parlera même pas des dictatures sud-américaines des années 70 et 80. La liberté d’expression telle qu’elle est conçue par J.D. Vance mène tout droit… à la fin généralisée et durable de toute liberté d’expression, à la chape de plomb qui s’abat sur toute une population, durablement muselée et, incidemment, à la disparition du droit comme source de justice et de sécurité.
Limiter l’influence de l’extrême-droite à vocation fasciste
Mais au moins, J.D. Vance a-t-il entendu parler des limitations de vitesse assez drastiques imposées aux automobilistes de son pays : 25 mph (40 km/h) en ville, 55 mph (88 km/h) sur les routes et 65 mph (105 km/h) sur les autoroutes, tout dépassement, même minime, étant sanctionné impitoyablement. Une insupportable limitation des libertés individuelles, estimeront d’aucuns, notamment en Europe. Les autorités américaines responsables n’ont pourtant aucune peine à justifier cette limitation d’une liberté possible : la sécurité routière individuelle et collective de toute une population, dont la valeur prime manifestement sur une liberté aux effets déplorables.
Cette comparaison serait bien de nature à éclairer l’entendement politique limité de J.D. Vance. Il pourrait philosophiquement se convaincre que le principe de liberté n’a d’autres limites que celles qui permettent son existence même. « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté » proclamait le conventionnel Saint-Just. Les pays européens n’en sont plus à décapiter, ni même embastiller les ennemis de la liberté, lesquels s’expriment avec une très large liberté. Ils sont néanmoins (plus ou moins) conscients des risques mortels que l’extrême-droite à vocation fasciste et totalitaire fait courir à l’ensemble du continent et s’attachent, avec plus ou moins de bonheur, à en limiter l’extension et l’influence. Ce qui ne dispense aucunement les partis, syndicats, associations et simples citoyen.es, jusque dans la sphère privée, à lutter sans relâche contre cet ennemi tantôt brutal et sans vergogne, tantôt insidieux, voire séducteur. Monsieur Vance apprenez encore quelques leçons avant d’en donner vous-même à la vieille Europe qui n’a pas à ce jour tout oublié de son passé douloureux et criminel, qui a appris de l’histoire…
N° 699 – Mars 2025 – Planète PAIX
Jean-Paul Vienne