Dès 1966, l’ONU élabore un droit sur l’espace extra-atmosphérique puis sur la lune et autres corps célestes. Le 20 mai 2O24, son Conseil de sécurité, divisé, a rejeté un projet de résolution russe contre la militarisation de l’espace, plusieurs pays niant la sincérité de la Russie suite à son veto d’un texte américain contre la prolifération nucléaire dans l’espace.

L’ONU, pionnière en la matière, a adopté dès décembre 1966, à l’unanimité, un traité, ouvert à la signature dès janvier 1967, déclarant que l’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique doivent se faire dans l’intérêt et pour le bien de l’humanité, toute discrimination entre les États étant exclue. L’ONU a donc initié un véritable droit de l’espace.
En vertu de ce traité de l’espace de 1967, les États parties s’engagent à ne mettre sur orbite autour de la terre aucun objet porteur d’armes nucléaires ou de tout autre type d’armes de destruction massive, à ne pas installer de telles armes sur des corps célestes et à ne pas placer de telles armes, de toute autre manière, dans l’espace extra-atmosphérique.

Pourtant, cela n’a pas empêché bien des pays de développer un programme de satellites militaires : il s’agit, entre autres, de la France (Helios 1B et Helios 2A), du Royaume-uni (Skynet), de l’Italie (COSMO-SkyMed), de la Chine (Fanhui Shi Weixing), de l’Inde (RISAT-1 et RISAT-2), Israël (Ofek) et du Japon (Information Gathering Satellite). L’Allemagne a également lancé récemment (en 2006) son système SAR-Lupe mis en orbite par un lanceur russe Cosmos. Rappelons en effet que 50 % du budget spatial mondial est consacré au domaine militaire, dont 90 % sont toujours détenus par les États-Unis. En 1979, l’ONU a élaboré l’Accord régissant les activités des États sur la Lune et les autres corps célestes : accord entré en vigueur en 1984 qui stipule que la Lune ne peut être utilisée qu’à des fins pacifiques et qui interdit tout recours à la menace ou à l’emploi de la force ou à tout autre acte d’hostilité sur ce satellite naturel de la Terre, et d’y mettre sur orbite des armes de destruction massive.

Deux approches opposées

Au sein de l’Assemblée Générale de l’ONU, c’est dès (ou à) la Première Commission consacrée au désarmement et à la sécurité internationale, que se déroulent les débats sur ce sujet. Cette commission est aujourd’hui clivée en deux approches opposées : la première, notamment portée par les pays occidentaux, préconise la promotion d’un comportement responsable dans l’espace. La seconde, défendue notamment par la Russie et la Chine, vise à l’élaboration directe de normes juridiques contraignantes, interdisant notamment le placement en premier d’armes dans l’espace. Le Royaume-Uni a récemment proposé de créer un nouveau Groupe de travail à composition non limitée sur la réduction des menaces spatiales. Mais ce Groupe de travail n’est pas parvenu à adopter un rapport final, du fait des objections de certains États. La Chine et la Russie préconisent l’élaboration d’un nouveau cadre juridiquement contraignant et pour cela elles défendent un projet de résolution sur de nouvelles mesures pratiques pour prévenir une course aux armements dans l’espace, ce à quoi s’opposent les États-Unis, arguant d’une hypocrisie de la Chine et la Russie. D’autres pays, comme le Mexique ou le Brésil, sont également favorables à l’adoption à terme d’un instrument juridiquement contraignant, mais aussi à celle de mesures pratiques.

Ainsi, actuellement, comme on le voit, les relations se tendent au plus haut point entre grandes puissances au sujet de la militarisation de l’espace : le 2l mai 2024, la Russie, par 1a voix de sa porte-parole diplomatique, Maria Zakharova, a accusé les Etats-Unis de chercher à déployer des armes dans l’espace, au lendemain du rejet par le Conseil de sécurité d’un projet de résolution russe à ce sujet, et après des accusations sur ce sujet lancées par les États-Unis à l’encontre de la Russie.

Ces accusations réciproques montrent que les antagonismes et oppositions très fortes entre puissances (États-Unis / Russie), qui sont à leur paroxysme aujourd’hui dans le contexte de la guerre en Ukraine, se transportent aussi sur le terrain de l’espace extra-atmosphérique, et cela remet sous les feux de l’actualité la peur, qui s’était estompée depuis la fin de la Guerre froide, d’une escalade de l’armement dans l’espace. Face à ce risque réel et aux catastrophes humaines et écologiques qu’il porte en germe, plus que jamais les peuples, potentielles victimes de cette course aux armements, doivent s’é1ever pour dire non à la militarisation de l’espace !

N° 693 – Juin / Juillet / Août 2024 – Planète PAIX
Chloé Maurel

Les textes des traités onusiens sur l’espace en ligne sur :
www.unoosa.org/pdf/publications/STSPACE11F.pdf