Inspiré par un article scientifique, l’auteur présente les retombées d’une explosion nucléaire sur notre planète, certes déjà connues mais qu’il est bon de rappeler au moment de la banalisation de la menace nucléaire et de l’augmentation du budget français pour ces armes de destruction massive et interdites.

On ne lit pas assez la revue scientifique « Nature Food » (Grande-Bretagne). C’est un tort, notamment de la part des politiques, et en particulier de ceux, démocrates ou dictateurs, des pays détenteurs de l’arme atomique. Dans un article d’août 2022, la revue a publié, sous la direction de la chercheuse Lili Xia (de la Rudgers University), un article des plus éclairants sur les conséquences pour la planète et, en particulier, pour l’alimentation, d’une guerre nucléaire « Global food insecurity and famine from reduced crop, marine fishery and livestock production due to climate disruption from nuclear war soot injection » (Insécurité alimentaire mondiale et famine dues à la réduction de la production agricole, de la pêche maritime et de l’élevage en raison du dérèglement climatique entraîné par le rejet de suie causé par une guerre nucléaire).

Un premier choc : refroidissement inégal

Selon l’étude, une guerre nucléaire entre la Russie et les États-Unis, qui transformerait des centaines de villes en un immense brasier, dégagerait quelque chose comme 150 millions de tonnes de suie, laquelle ne tarderait pas à envelopper l’ensemble de la p1anète, et davantage encore l’hémisphère nord que l’hémisphère sud. Ce qui entraînerait un choc de refroidissement de l’atmosphère extraordinairement brutal comme la terre n’en a jamais connu, de l’ordre de 8° en moyenne, mais jusqu’à 20° dans le nord. Et ce n’est que dix ans après ce choc thermique majeur que la plus grande partie de cette suie serait retombée. Entre temps, toute la planète, en premier lieu l’Amérique du Nord, l’Europe et la Chine, serait plongée dans l’obscurité et le froid le plus intense. Globalement, la production de calories par les plantes chuterait de 90%, et, dans cette proportion, celle du maïs, du riz, du soja et des céréales. Il n’y a guère que la pêche hauturière qui souffrirait moins, les mers ne se refroidissant pas aussi vite que l’air.

La faim : première cause de morts

La conséquence en serait une chute violente de la production agricole, laquelle causerait bien davantage de morts encore que les seules explosions nucléaires, aussi effrayantes fussent-elles. A titre de comparaison : une guerre nucléaire d’une semaine entre la Russie et les États-Unis pourrait entraîner la mort de 360 millions de personnes, brûlées, irradiées, vitrifiées. Mais, durant l’hiver nucléaire qui s’ensuivrait, c’est au moins cinq milliards d’individus qui mourraient à coup sûr de faim, y compris des personnes qui vivent loin des sites de guerre. Même une guerre régionalement plus limitée entre l’Inde et le Pakistan entraînerait la mort d’au moins deux milliards de personnes par le seul effet de la faim.

Un cycle diabolique

L’étude met en regard l’optimisme (relatif) qui prévalait dans les années 90 lorsque Américains et Russes ont mis des milliers de têtes nucléaires au rebut et la probabilité croissante d’un conflit nucléaire de nos jours, d’autant plus que de nouveaux États, plus imprévisibles, ont entre-temps accédé à l’arme nucléaire ou sont sur le point de le faire. Et la menace exprimée par ces États pousse leurs voisins à s’équiper à leur tour de l’arme nucléaire et des vecteurs correspondants.

Un cycle diabolique qui met à bas tous les traités de limitation existant à ce jour, notamment le TIAN, et suscite une nouvelle course aux armements, au Moyen-Orient comme en Extrême-Orient, voire en Europe. On s’inquiétera encore davantage si on se rappelle que le Traité New Start, signé en 2010 entre les États-Unis et la Russie, qui entendait limiter à 1550 le nombre de têtes nucléaires opérationnelles pour chacun de ces pays, expire en février 2026 et ce, d’autant plus que les échanges d’informations et les visites d’inspection réciproques ont cessé depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Du coup, les puissances nucléaires modernisent, miniaturisent leurs matériels à grands pas, la France, quant à elle, n’hésitant pas à doubler ses dépenses consacrées aux armes nucléaires (7 milliards en 2025 contre 3,5 en 2017). Il ne faut pourtant pas être grand clerc pour savoir que l’arsenal actuellement existant suffirait à rendre la plus grande partie de la terre totalement inhabitable. Alors, on se bouge avant l’Armageddon annoncé par les scientifiques, mais ignoré par nombre de responsables politiques ! (à l’exception notable du Secrétaire général de l’ONU et du pape). On commencera par signer la pétition initiée par le Mouvement de la Paix…

N° 696 – Novembre 2024 – planète PAIX
Jean-Paul Vienne